La Philosophie est une discipline malheureusement de connotation scolaire et son évocation éveille des souvenirs de la classe de terminale dans un lycée parisien ; Pour ma part j'étais dans une section scientifique où les matières telles que les maths et la physique paraissaient essentielles ; la philosophie était reléguée au stade de matière secondaire dont l'évaluation par un enseignant paraissait complètement arbitraire et subjective.L'intérêt pour une matière dépend aussi largement de la rencontre affective et admirative avec un pédagogue ; tout est affaire de chance, de hasard.En fait je ne m'étais pas rendu compte que mes premiers cours de philo ont commencé en CM1 au travers les cours de morale que l'on prodiguait à cette époque ; l'attention et la tendresse que m'avait portée mon instituteur Monsieur E..AZ alors que ma transplantation dramatique à 9 ans en région parisienne m'avait confiné dans un isolement pathétique.L'enseignement religieux a poursuivi cette construction philosophique ; tous les Jeudi et Dimanche matin une formation religieuse était dispensée par un rabbin Monsieur BA..ER qui a été pendant longtemps ma référence ; les cours commençaient à 9H et se terminaient théoriquement à 11H 30 il y régnait un désordre et un chahut extrême, compte tenu du peu intérêt pour ce qu'il était nécessaire de faire pour être apte à la dite Bar Mitsvah ; En fait je ne me sentais vraiment pas comme les autres, les paroles de ce vieux rabbin m'intéressaient et il me le rendait bien ; il habitait dans le 9° et pendant les 2 Km qui nous séparaient de son domicile nous passions en revue tous les grands principes de notre religion ; il tentait de répondre à toutes mes interrogations ; ces discussions se poursuivaient pendant des heures au pied de sa volumineuse porte cochère de la rue Blanche ; et je filais rapidement à mon domicile de la rue de Maubeuge avec certaines réponses mais malheureusement avec encore beaucoup plus de questions que je m'apprêtais à lui soumettre le cours suivant ; Il incarnait le savoir, mais un savoir orienté par la fonction qu'il occupait ; tout ce qu'il disait se devait d'être conforme à l'enseignement traditionnel de la TORA et des saintes écritures La présence de Dieu, les 613 commandements, car il y en a 613, mais qui peuvent se réduire en fait à 1 seul : l'amour du prochain, l'humanisme l'empathie ; en fait contrairement à l'homme qui est particulièrement rancunier, disait-il, Dieu est infiniment miséricordieux et te pardonnera de t'être soustrait au 612 autres ;
Cependant nos conversations butaient toujours sur des thèmes qui me paraissaient incompréhensibles dans cette dialectique religieuse : La réaction de JOB face à Dieu m'a paru impénétrable ; le mystère de la shoah était également inexplicable ; comment a-t-il pu laisser mourir 6 millions de personnes dans la surdité la plus complète ; enfin tous ces enfants, les nourrissons qui meurent tous les jours dans le monde, comment pouvait-on expliquer la souffrance de ces êtres.La formation Philosophique s'est prolongée par la suite par l'engagement politique ; des personnages comme Boris Vian, Aragon, JP Sartre Camus Brassens ont beaucoup apporté ; Il était important de vivre en situation ; d'être à l'écoute des grandes détresses de ce monde ; la conviction coupable d'être né du bon côté de l'hémisphère terrestre ; les médias nous diffusaient alors en direct sur les ondes le drame du BIAFRA ; manger à sa faim permet à l'homme de penser, la Philosophie est donc l'apanage des estomacs pleins ; l'état de misère, de survie, de précarité rend l'esprit moins apte à évoquer les grandes questions éternelles ;La philosophie retrouve à notre époque ses lettres de noblesse ; en effet il est très difficile de transmettre un patrimoine culturel a ses propres enfants ; votre acquis vous est spécifique comme une empreinte génétique ; et tout être doit parcourir un itinéraire singulier ;La réponse religieuse est de plus en plus inadaptée ; d'autre part elle présuppose un axiome : la foi ; sa révélation est hautement aléatoire ; alors pourquoi ne pas bâtir sa personnalité par ses propres moyens, sans l'aide de Dieu ; simplement former son esprit critique grâce à une méthode rigoureuse, aiguiser son esprit par une attitude d'étonnement de questionnement voire de révolte ;La philosophie répond donc à un besoinEthymologiquement La philosophie c'est l'amour de la sagesse ; le philosophe représente le sage voire parfois le résigné ; ne dit-on pas parfois il faut savoir être philosophe pour exprimer l'impossibilité pour un être de trouver une alternative autre que celle que la fatalité vous a imposer ; il s'agit alors d'accepter ce coup du destin ; de prendre de la distance par rapport à la cruauté ou l'injustice d'une situation. La philosophie devient donc un réponse au désespoir créé tout simplement par la condition humaine ; les souffrances inévitables telles que le deuil, la maladie, la finitude humaine, l'inanité de ce qui sera défait demain.De nombreuses théories vont nous permettre de surmonter ces doutes naturels en donnant du sens à la vie : La réponse peut être transcendantale ; c'est la réponse religieuse ; un être extérieur et supérieure à nous peut nous apporter le salut ; c'est le prolongement de l'infini post mortem après le fini terrestre ; une promesse d'immortalité en contre partie de la foi, d'un comportement truffé de d'interdiction et d'autorisation ; Ce processus transcendantal s'exprime aussi par toutes ces quêtes de spiritualité au travers l'ésotérisme, la vie sectaire, la parapsychologie, l'astrologie, la voyance etc ..
La réponse philosophique tente de donner une solution au salut en faisant appel à la raison ; au questionnement ; un développement de l'esprit critique ; la réponse philo est en fait une ou plusieurs questions ; elle se dégage de la subjectivité de la réponse qui peut simplement se réduire à une opinion ; d'où l'impression de l'inutilité de la philosophie ; nombres d'intellectuels qui se posent une multitude de questions avant d'accomplir certains actes simples, parfois paralysés par l'impossibilité de prendre une décision ; la réponse religieuse est à ce sujet simpliste mais pragmatique " fait et tu comprendra après " ; Le bien être de la réponse mystique est au prix de la liberté de penser ; on abandonne la raison au profit de la foi ; cette réaction amoureuse, ce coup de foudre pour le divin implique une alchimie qui demeure complètement aléatoire ; il est vraisemblablement prédéterminé par des neuromédiateurs génétiquement transmissibles ; et peut s'exacerber dans certaines pathologies mentales délirantes ou psychopatiques. Pour les mendiants de la foi, la réponse philosophique est particulièrement adaptée ;Elle permet, pour paraphraser Montaigne, d'apprendre à mourir et par conséquent d'apprendre à bien vivre en se libérant de l'angoisse ; elle s'affranchit de l'obéissance en invitant au questionnement et à l'étonnement.Cependant la philosophie invite également à se poser la question de son utilité ; sa question pourquoi se transforme t-elle souvent en pour quoi ;
Les questions philosophiques sont éternelles ; l'homme a philosophé depuis la nuit des temps et chaque époque a transmis un certain patrimoine ; chaque auteur au travers sa réflexion a enrichi ce patrimoine ; De tout temps l'homme a essayé de classer,de compter, hiérarchiser selon des éléments logiques ;L'anthropologie nous a appris que les conditions qui ont permis le développement de cet esprit critique ont été :La station érigée adopté par l'homo erectus et l'apparition du langage Le développement de la main et surtout de la fonction d'opposition du pouce contrairement aux primates ; la main exprime la fonction outil multivalent, la fonction exploratoire, la fonction sédative quand elle se porte à la bouche comme chez le nourrisson, la fonction affective par le jeu des caresses, la fonction dominatrice sur la nature permettant alors le repos propice à la réflexion philosophique ; Il n'est pas de pensée philosophique sans affranchissement du travail. La philo est l'apanage des estomacs pleins ;
Donc philosopher c'est être sage ou plus exactement mener sagement son existence en s'affranchissant des peurs que notre condition de mortel éveille en nous ; C'est aussi prendre connaissance des différents courants de pensées pour pouvoir par la suite tous les rejeter afin d'adopter son propre credo ; Ce credo pourra alors se démarquer de toute idéologie et des idées reçues ; plus en phase avec les questions d'aujourd'hui et de tout temps ; loin des philosophies de comptoir, pourra se développer alors une philosophie des cercles , des carrés ou des cafés.
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