Wednesday, December 20, 2006

L'oeuvre de NIETZSCHE

Les œuvres :

La naissance de la Tragédie 1872
Considérations intempestives 1873 1876
Humain trop humain 1878 1880
Aurore 1881
Le gai Savoir 1881 1882
Ainsi parlait Zarathoustra 1883 1885
Par delà le Bien le Mal ( 1886 )
La généalogie de la morale 1887
Le cas Wagner 1888
Ecce Homo 1888 publié en 1906
Le crépuscule des idoles 1889
L’antéchrist publié en 1906
La volonté de puissance publié en 1901

La pensée de Nietzsche

1° LA MORT DE DIEU

C’est une citation célèbre de Nietzsche qui apparaît la première fois dans le Gai Savoir (aphorisme 108 , 125 et 343 ) ainsi que dans Ainsi parlait Zarathoustra ;

Les progrès de la science et des techniques, le bonheur de l’humanité bâti, non sur la foi, mais sur l’humanisme a conduit les modernes à déstabiliser les fondements des idéaux et des valeurs qui ont jusque là prévalus ;
« Dieu est mort, et c’est vous et moi, qui l’avons tué » ; tous les efforts de rationalité, les progrès de la Raison ont remis en question les bases de la foi chrétienne : le péché, la rédemption, le salut de l’âme etc ..
et l’effondrement de ce préalable de la foi entraîne un écroulement de tout l’édifice ; la vie perd tout sens en dehors d’elle-même ;
La mort de Dieu ne signifie pas la disparition physique de dieu au sens littéral ; simplement l’être humain ne peut plus croire en un ordre cosmique bâtit sur un ordre divin transcendant ;

NIETZSCHE reproche au christianisme :

- l’affaiblissement de l’homme
- des réponses illusoires ; une consolation d’un au-delà inexistant, ou du moins non crédible
- ses valeurs dogmatiques basées sur des représentations antiques, désuètes et paradoxales
- l’hypocrisie des chrétiens dont l’existence n’est pas en accord avec leur croyance

Les idées qui sèment le trouble :
- les découvertes scientifiques de Copernic et Galilée ( Héliocentrisme contre géocentrisme : l’héliocentrisme est la conception qui place le soleil au centre du monde ; et le géocentrisme et la théorie qui place la terre immobile au centre du monde ; )
- Le darwinisme (évolutionnisme contre créationnisme)
- La vie de Jésus de David Friedrich Strauss qui démystifie le personnage de Jésus
- Les poèmes de Heinrich Heine qui évoquait « un dieu mourant »
- La rigueur d’une éducation chrétienne avec cette négation de l’être au profit d’une morale du ressentiment ;
Le ressentiment qui s’exprime à la fois par la substitution de la réaction à l’action (l’introspection plutôt que la prospection ; ressentir plutôt que d’agir) ; la culpabilité ( pêché ) et l’agressivité par ressentiment vis-à-vis de soi ou des autres ;


Le rationalisme n’est pas une issue

Nietzsche critique « la foi dans la science » rêve insensé de parvenir à des vérités définitives qui, inévitablement débouche sur le désir d’ « un autre monde que celui de la vie, de la nature et de l’histoire ».
Le rationalisme des modernes ne serait qu’une illusion car il tenterait de réunifier par des lois un monde incohérent, déstructuré, chaotique, illogique ; ils prendraient en somme leurs désirs pour une réalité ;
« il n’y a pas de faits, mais des interprétations »

2° Les conséquences : Le NIHILISME

Le nihilisme provient du mot latin NIHIL qui signifie « rien » ;
Ce mot apparaît dans la Grèce antique avec Gorgias dont la théorie se résume en 3 points :
- rien n’existe ;
- si quelque chose existe, ce quelque chose ne saurait être appréhendé et encore moins connu par l’homme ;
- même s’il était, son appréhension ne serait pas communicable à autrui ;
Le terme est ensuite repris par Tourgueniev, Dostoïevski et les anarchistes russes : il s’agit d’un nihilisme actif destructeur, la violence et le terrorisme était fondé sur un idéal de liberté et de justice en opposition au Tsar Alexandre II ;
Nietzsche reprend cette notion en lui donnant un contenu nouveau ;
Il se dégage du nihilisme passif inspiré par Schopenhauer selon lequel le monde tel qu’il est ne devrait pas exister et « le monde tel qu’il devrait être n’existe pas ; » « tout est vain » « vivre (agir, souffrir, vouloir, sentir ) n’a pas de sens.
Le nihilisme représente pour Nietzsche la dévaluation universelle des valeurs qui plonge l’humanité sans un état de « décadence » et d’angoisse.
L’histoire des religions exprime ce renversement de la hiérarchie des valeurs ; des faibles, animés par le ressentiment et la négation de la vie contre les forts aptes à s’affirmer librement et joyeusement ;
Dans la généalogie de la morale, Nietzsche décrit le cheminement de la dégradation, initiée par la caste des Brahmanes, qui placent la pureté rituelle au-dessus des valeurs viriles de l’aristocratie guerrière ; Les juifs poursuivent ce mouvement en renversant l’équation originelle qui assimilait le « Noble » et « Puissant » au « BON » et « aimé des dieux » ; seuls les petits et faibles sont bons et pieux alors que les « Grands » et « Forts » sont « Méchants » et « Impies » ; le christianisme transmue cette haine judaïque des puissants en amour universel pour les misérables ; la morale des esclaves l’emporte sur celle des maîtres ;

Face donc à la disparition des repères ou décadence, Nietzsche oppose donc les faibles et les forts ;

Les FAIBLES ce sont le troupeau, les esclaves ceux qui subissent sans pouvoir réagir ; Le pessimisme est alors la réaction naturelle ; pour ne plus avoir à s’extraire du néant on plonge dedans ; d’où les désirs de mort, la mélancolie, l’autodestruction Les faibles subissent sans pouvoir réagir et donc gardent la mémoire douloureuse de cette décadence.
Les faibles sont parfois animés de forces REACTIVES ; l’agressivité, la vengeance vis-à-vis d’autrui ( fanatisme, sectarisme et totalitarisme ), les superstitions, la drogue en sont une expression ; la « volonté de vérité » chère au rationalisme moderne en est une autre expression dans le sens où elle s’épanouit qu’en réprimant et annihilant d’autres forces dites active ; elle oppose « une logique du non » inhibitrice;


Les FORTS sont des ACTIFS ; ils ne se contentent pas de constater l’effondrement de certaines stèles ; ils font table rase de l’ensemble « quand on a renoncé à Dieu on ne se cramponne pas à la morale »,
Nietzsche critique les chrétiens laïcisés, les libres penseurs qui après avoir éliminé Dieu du christianisme en conserve l’éthique ;
La notion d’homme fort renvoie, non à une notion politique mais métaphysique ; il ne faut pas faire des autres des esclaves mais se maîtriser soi-même.
Il fait l’apologie du vouloir ; l’option de la vie contre le néant ;
La volonté de puissance permet l’épanouissement de l’être ; et cette volonté s’exprime par la création ; le véritable héros est l’artiste ;
Cette création se développe dans le temps et requiert cette temporalité pour s’exercer ;
« il faut régir l’humanité pour l’obliger à se dépasser ; …au moyen de doctrines qui la feront périr, à l’exception de ceux qui la supporteront. »

3° DYONYSISME et APOLLINISME

La pensée de Nietzsche s’est caractérisée par une évolution de l’influence latine vers une pensée grecque très à la mode au XIX° siècle ;
Cependant il exprime l’excellence de la culture pré-socratique (Héraclite ) au détriment des suivants ; il apprécie cette philosophie qui évite la confusion du religieux et du rationnel, du scientifique et du métaphysique ;
C’est l’émergence de la démocratie à Athènes qui a provoquée la dégénérescence du monde grec
Socrate est le reflet, par sa laideur, de la dégénérescence de tout ce monde grec ;
Le rationalisme est un héritage socratique qui met en exergue l’exercice exclusif de la raison comme valeur inconditionnelle de la vérité ; la science repose sur la RAISON elle–même conditionnée largement par les lois morales dites lois naturelles ; notre petite raison humaine, grossière, est insuffisante pour appréhender un monde prétendu vrai ;
« ce qui a besoin d’être démontré pour être cru ne vaut pas grand-chose » ; Personne ne songerait à dire que Chopin a raison contre Bach ;
Nietzsche propose une vision esthétique de la vérité incarnée par les sophistes qui cherchent à séduire, persuader un auditoire par la seule puissance des mots ;
Les mots ne sont plus un moyen mais une fin en soi car ils produisent des effets esthétiques, au sens grec de sensations quasi corporelles ; au même titre qu’une œuvre d’art ;
Dans la naissance de la tragédie, Nietzsche oppose 2 forces contraires le monde de Dionysos : dieu du vin et de l’ivresse, dieu de la musique Et celui d’Apollon Dieu de la Beauté et de l’équilibre, dieu des arts plastiques ;
L’apollinisme permet la production de belles formes et d’images, des productions plastiques ou verbales ;
Le mot « apollinien » exprime le besoin de s’accomplir en soi-même, d’être un individu type, « connais-toi toi-même »
La force suprême de l’affirmation de soi dans la beauté froide, aristocratique distante ;
Le dyonysisme exprime « le besoin d’unité ; tout ce qui dépasse la personnalité, la réalité quotidienne, la société, l’abîme de l’éphémère » ( la volonté de puissance )
La tragédie grecque, représentée par le drame lyrique de Wagner, comme toute œuvre d’art est la résultante de ces 2 forces et aide le spectateur à supporter la douleur de l’existence ;
La peinture apporte l’apaisement et la musique l’exaltation de la volonté ; l’art grec réalise la synthèse de la force apollinienne lyrique et plastique (hymne en l’honneur du dieu) et celle de la force dionysiaque du musicien comme vision allégorique ;
Dionysos est le héros unique sujet à ses désirs, ses émotions (Prométhée, Œdipe) ;
C’est Socrate qui est désigné comme meurtrier de la tragédie grecque ; en introduisant la Raison en substitution de l’instinct ; l’art tragique est irrationnel, immoral, illogique à l’opposé d’un homme virtuel socratique qui « se complait et se rassasie au spectacle de l’obscurité vaincue » ; la rationalité est conçue comme une puissance minant la vie et dont la seule issue de secours et l’art ;
Il existe donc une dualité entre « l’insatiable optimisme de la connaissance et le tragique besoin d’art ; »
Nietzsche retrouve dans la musique de Wagner les caractères de la tragédie grecque ( Tristan et Isolde ) ; la musique donne au mythe tragique une signification métaphysique ;
Nietzsche réalise une attaque contre le socratisme et sa morale au profit d’un instinct mettant en valeur la vie dans toute sa luxuriance ;
Par la suite Nietzsche rompra avec Wagner et ne conservera que le Dyonysisme jusqu’à la fin de ses jours.


4° GENEALOGIE et VOLONTE DE PUISSANCE

Le concept de volonté de puissance est au centre de la pensée de Nietzsche
La volonté de puissance ne doit pas être comprise comme la volonté de réussite sociale ; d’avoir de l’argent ou du pouvoir mais plutôt de vivre pleinement et profondément la vie loin des déchirements internes, les culpabilités les conflits intérieurs;
C’est un concept métaphysique qui dépasse la seule sphère humaine ;
Elle exprime l’essence d’une structure qui ne se réalise pleinement dans un DEVENIR plus;

Toute structure est un champ de forces ;
soit ces forces s’opposent, luttent
soit elles composent selon un rapport hiérarchique sous la domination de l’une d’elles ;
la volonté exprime donc un certain rapport de force entre ces différentes réalités ;
La volonté de puissance peut être
- active : la force affirme sa singularité ; la volonté d’accroissement de pouvoir ( création artistique )
- réactive : efforts de séparations par rapport à des forces concurrentes : volonté de différenciation
La volonté de puissance est une loi cosmique ; elle est visible à travers toute chose ;
C’est une synthèse réconciliatrice des forces actives et réactives ; toutes coopèrent dans l’harmonie la plus parfaite sans déperdition d’énergie ;
La volonté de puissance est à l’origine de toute passion, désir ou vouloir ;
Le vouloir vivre est une forme dégradée de la volonté de puissance ; la vie n’est rien d’autre qu’une succession de « petits processus victorieux »
Sur le plan politique, tout parti, toute idéologie est déjà l’expression de la volonté de puissance ; le guerrier ou l’artiste n’en sont pas indemnes ; le Barbare est une forme brutale et stupide de volonté de puissance ; l’artiste est une forme plus raffinée, plus haute car créatrice ; et la culture en est la forme la plus haute ;

Nietzsche propose une vision proche de la loi de la jungle où le plus fort domine le plus faible en raison de sa force de volonté supérieure ; il attaque ainsi les icônes de la religion chrétienne :
- la défense des faibles
- la compassion et la pitié
- la négation du péché originel
la pitié, l’altruisme, les valeurs humanitaires seraient des valeurs par lesquelles on se nie soi-même pour se donner l’apparence de la bonté morale et se persuader de sa supériorité.
Nietzsche reproche au christianisme d’avoir constamment « méprisé » le corps et la sensibilité au profit de la raison ;
la raison est une arme de pouvoir ; le raisonnement est un moyen d’écraser l’autre ; l’humanisme, les vertus cachent également une volonté de puissance plus subtile ;
Nietzsche récuse le rationalisme de Kant basé sur l’universalité de la loi morale ;
La vérité scientifique prétend affirmer des principes valables pour tout un chacun, en tout temps et en tout lieu ;
il prône au contraire une totale acceptation de l’immoralisme ; il pourfend les premières ébauches de l’humanitaire moderne dans lesquelles il y voit un relent débile de christianisme ; « Pour l’espèce, il est nécessaire que le malvenu, le faible, le dégénéré périssent » ; il exprime par exemple sa joie lorsqu’il apprend qu’un tremblement de terre a secoué Nice en détruisant quelques maisons ou lorsqu’un cataclysme a ravagé l’île de JAVA ; « deux cent mille êtres anéantis d’un coup c’est magnifique… ce qu’il faudrait, c’est une destruction radicale de Nice et des Niçois.. »
Il justifie une certaine CRUAUTE ( souffrance que l’homme fait subir à l’homme ) ; « vivre, c’est essentiellement dépouiller, blesser, violenter le faible et l’étranger, l’opprimer, lui imposer durement ses propres formes » ( par delà le bien le mal )

Cependant le maître qui domine n’a pas besoin de se venger car il n’éprouve pas le sentiment d’infériorité ; il a le plaisir d’être lui-même ; il n’existe pas cette notion de ressentiment propre aux faibles qui cherchent à détruire toute animalité, toute expression de l’instinct ; la morale est alors un système illusoire monté de toute pièce pour se venger de la domination des forts ;
La morale des forts au contraire a pour objectif de pousser ceux-ci vers des extrémités sans aucune inhibition, au mieux vers la création artistique, le génie inventif.

5° L’ETERNEL RETOUR , L’AMOR FATI ( amour de l’instant présent ) et L’INNOCENCE DU DEVENIR

Cette notion remet en question la croyance idéaliste d’un plan providentiel qui régi le monde ; il brise les conceptions finalistes du règne ultime de la morale au profit d’une représentation immoraliste du devenir ;
C’est une conception inspirée par Héraclite et les stoiciens puis par Schopenhauer : compte tenu de l’infini du temps, le temps n’a pas de début ni de fin, les événements reviennent un nombre infini de fois ( personne ne croit guère en cette fiction en 1880 ) « cette vie tu devras la vivre une fois et d’innombrables fois… l’éternel sablier de l’existence ne cesse d’être renversé à nouveau » ( théorie de l’éternel retour )
Le mouvement historique serait comme d’un mouvement cyclique hélicoïdal.
La doctrine de l’Amor Fati ( amour de ce qui est au présent ) a comme principe l’amour de l’instant actuel sans aucune référence au passé ou à l’avenir ;
La devise en serait la fuite du poids du passé ( ni remord ni regrets ni auto culpabilité ) comme les promesses de l’avenir ( pas d’issue dans l’au delà transcendé)
La théorie de l’éternel retour inviterait alors à sélectionner les seuls moments dont nous souhaiterions la répétition à l’infini, puisque l’avenir en sera fatalement la redondance ; « ne rien vouloir d’autre que ce qui est » se rapproche des thèses des STOICIENS : Epictète ou Marc Aurèle ou des Bouddhistes ;
L’Amor Fati est « terre à terre », sans idole et sans dieu ; ce qui vaut le coup d’être vécu est sur terre, le ciel est totalement vide et tout idéal est vide de sens ;
L’innocence de l’avenir incite à la déculpabilisation totale , on pourrait la résumer par : « on ira tous au paradis » et le paradis est terrestre.


6° LE SURHOMME

Le surhomme n’a pas été inventé par Nietzsche, mais a été initié au XVII° siècle (Herder ) puis dans la littérature romantique comme l’idéal impossible à atteindre ;
C’est l’incarnation de la volonté de puissance la plus haute
« L’homme supérieur au plus haut degré serait celui qui aurait la plus grande diversité des instincts et avec la force la plus grande qu’il pourrait encore supporter »
C’est une philosophie de l’action, malgré le nihilisme en vigueur, l’homme supérieur, ébauche du surhomme, est celui qui se dirige précisément vers le surhomme ;
Le surhomme donne un sens au devenir humain ; Nietzsche croit à l’immanence du devenir et rejette toute idée de transcendance ;
l’Homme ne trouve de sens que par lui-même ; sa trajectoire est un passage de l’état « humain trop humain » jusqu’à un état « humain surhumain » ; mais le surhomme est menacé par la foule « des faibles, la conjuration des ratés et des dégénérés ».

Cependant Nietzsche n’est pas pour la sélection raciale ; les exemples de surhomme sont Shakespeare, césar, Borgia, Napoléon et Goethe.
Dans ainsi parlait ZARATHOUSTRA ;
L’homme doit passer par 3 étapes :
- d’abord CHAMEAU ; le chameau est la bête de somme qui porte ; c’est celui qui porte les valeurs ; sa devise est « tu dois donc tu peux » c’est l’image de l’esclave, du besogneux
- le LION : c’est l’image de la révolte contre les valeurs traditionnelles
- L’ENFANT la révolte laisse place à la tranquille affirmation de soi

Du Barbare, l’homme ne gardera que la vigueur et la richesse des instincts ; mais ces instincts sont intégrés dans un ordre supérieur, moteur de la liberté créatrice ;


7° La POLITIQUE

Le thème Nietzschéen est la Spiritualisation des instincts ; la culture de l’homme en tant qu’animal ;
Sa position va à contre courant de la démocratie, de l’Idéal Humaniste, de la pensée de l’église ; il fait la politique de la table rase
Nietzsche est pour l’ELITISME : il ne croit pas aux qualités intellectuelles et politiques des masses ; il conteste la démocratie, le libéralisme et le socialisme ;
Il est anti-égalitariste ; la recherche du bonheur pour le plus grand nombre est illusoire et menace l’expression de l’homme supérieur en rendant son épanouissement improbable ;
La démocratie est une idéologie du troupeau au détriment de l’expression du géni supérieur ;
Sa politique est autoritaire et très inégalitaire ; la préservation des inégalités sociales est à l’origine d’une mentalité de caste creuset d’une culture élitiste ;
Les droits de chacun dépendent de sa puissance
La médiocrité est inévitable et indispensable ; et les forts doivent protéger les faibles, au moins pour conserver leur domination
Le rôle de la justice est de contenir la violence issue du ressentiment et de la vengeance ; limiter les réactions de violence immédiates : violence contre violence

Nietzsche et le NAZISME

- Nietzsche et les juifs
Nietzsche était surtout hostile au judaïsme de même qu’il était hostile à toute forme de déisme ; le judaïsme est un événement néfaste car revalorisant les faibles, les esclaves au détriment des forts en prônant le ressentiment ;
contrairement à sa réprobation religieuse, il n’exprime aucune aversion vis-à-vis du peuple juif, « ce peuple qui poussa la sublimité plus haut que n’importe quel autre peuple » et éprouve au contraire un sentiment de dégoût à l’égard de la bêtise antisémite ;
« Que croyez-vous que je puisse éprouver quand les antisémites se permettent de prononcer le nom de Zarathoustra ? »

- Elisabeth Forster- Nietzsche et le temps du mensonge
Dans les années 1880-1900 se sont développées en Allemagne à la suite du second empire allemand, une idéologie pangermanique ; c’est l’époque du grand romantisme allemand dont la musique wagnérienne en est l’expression ; on croit alors à l’eugénisme, à la capacité de créer des races humaines supérieures ;
Simultanément se développe un antisémitisme primaire pour lequel Nietzsche exprimait un profond dégoût ;
Elisabeth Nietzsche épousa en 1886 Bernard Forster idéologue pangermaniste, fondateur au Paraguay d’une colonie d’ « aryens purs » ;
Nietzsche exprima constamment son mépris pour cette sœur ;
D’après l’historien Lionel Richard, Elisabeth joue un grand rôle de falsification des manuscrits et lettres de son frère à des fins de détournement idéologique ;
Les nazis réquisitionnent ses textes pour servir la propagande et l’idéologie du III° Reich ; entre 1939 et 1943 250 000 exemplaires du Zarathoustra ou de la volonté de puissance sont vendus ; Hitler vient personnellement rendre visite à Nietzsche malade et reçoit la canne du philosophe en cadeau ; par la suite Hitler se sert de l’image de Nietzsche pour sa propagande, et ses idéologues propagèrent l’adéquation entre l’enseignement de Nietzsche et Mein Kampf

- RESPONSABLE MAIS PAS COUPABLE

Certes Nietzsche n’est pas coupable de toute la démesure du III° Reich, mais il conserve une certaine part de responsabilité intellectuelle ;
La déconstruction de tous les idéaux qui ont animé le siècle des lumières ( la politique de la table rase face aux doctrines et aux idoles : le christianisme, le progrès, la démocratie, le socialisme, les droits de l’homme, le « caritatisme »…) , « Le grand style » comme morale et dans tous les cas l’innocence de l’avenir comme doctrine de salut ont vraisemblablement été des éléments catalytiques de l’éclosion de doctrines nationales socialistes ;
la récupération de ses écrits par une lecture nazifiante a été relativement aisée.


CONCLUSION

Les idées de Nietzsche ont été très controversées par ses contemporains et par de nombreux philosophes ; il n’est qu’à lire la passion des différents intellectuels qui ont commentés ses œuvres ou les échanges retranscrit dans les forums philosophiques ;
A une époque où l’église ne fascine plus beaucoup, la pensée iconoclaste de Nietzsche reste parfaitement d’actualité.
L’œuvre de Nietzsche, pour la simplifier à l’extrême, est articulée autour de 3 grandes lignes :
La généalogie ( la détermination des forces qui sont en œuvre dans les jugements moraux) ouvre la porte vers un vide abyssal ; un monde lunaire chaotique sans dieu, ni idéologies, sans finalité ; et débarrassé de l’avant, de l’après et des sphères célestes, l’homme est invité à aimer ce qui est PRESENT ( l’amor Fati ) dans une légèreté absolue, dans une déculpabilisation totale ; mais faudra-t-il que Nietzsche nous explique comment il est possible de vivre dans l’amor Fati après le drame de la shoah ou les nombreux crimes contre l’humanité que le 20° siècle a connu ; cet amour de ce monde, tel qu’il est dans sa dimension tragique, vire à la perversion, l’obscénité ou tout au moins à la collaboration avec les forces les plus primaires de l’homme.
A mon humble avis, il ne faut pas utiliser la raison, la rationalité pour analyser l’oeuvre de Nietzsche, d’autant que lui-même en était un pourfendeur ;
Ses écrits, il faut les juger, dans leur dimension esthétique, au même titre qu’une œuvre artistique par les émotions, l’ivresse ténébreuse qu’elles procurent ;
La consommation ne devra se faire cependant qu’avec modération et discernement sous peine de dérive dionysiaque ;
Certes Nietzsche n’est pas un précurseur du nazisme, même si ses idées ont été détournées de leur sens à des fins idéologiques ;
Comme on le rencontre chez beaucoup de philosophes grecs, le Nietzschéisme va dans le sens d’un élitisme culturel, d’une aristocratie intellectuelle ;
Il va dans le sens d’un eugénisme social, il dénie aux masses, au peuple les capacités intellectuelles à décider dans l’intérêt de la collectivité ; il rejette l’égalitarisme et la démocratie comme des idéologies du troupeau ( hostilité au suffrage universel ) ; il est également favorable à l’esclavage et pense même qu’il constitue une condition indispensable à la survie de la civilisation européenne ; il prône la séparation des races dites « hétérogènes » ; profondément européen, il propose la séparation raciale éventuellement par l’émigration ( il se sent menacé par les « barbares » dont les représentants sont les chinois ). Il est pour l’unité européenne économique qui pourra laisser la place à une aristocratie intellectuelle et artistique, passée la phase de grégarisme initial.
Il semble donc exister un glissement du nationalisme allemand vers un européisme aristocratique.
Cette philosophie, enracinée dans le terrestre et le présent évoque étonnamment les valeurs stoïciennes, mais s’en affranchie cependant par l’abolition de la transcendance du cosmos ; le monde n’est ni beau, ni harmonieux ; une nouvelle valeur dite universelle est alors proposée : la volonté de puissance ; l’apologie du fort, de l’artiste, du créatif devient une articulation maîtresse qui justifie la violence entre les hommes et la domination d’une partie de la société sur une autre ;
L’eugénisme Nietzschéen se distingue clairement du darwinisme social dans le sens où le monde n’est animé d’aucun finalisme et la sélection naturelle est même inversée ; la nature est cruelle avec les êtres supérieurs qu’il convient de protéger du ressentiment des faibles ;
On arrive donc à un paradoxe où les forts, dits actifs, sont désignés comme des êtres vulnérables, menacés par l’agressivité polymorphe des faibles dits réactifs.
Deux mille ans de philosophie, « d’amour de la sagesse » ont tenté d’inverser le cours Darwinien des choses ; la protection des faibles, des malades, des opprimés pour atténuer la cruauté naturelle de ce monde ; la ségrégation dite positive a permis, dans une certaine mesure, de donner de l’espoir à une partie de la population vouée à la souffrance et à l’exclusion ; Pour Nietzsche, L’altruiste serait « un égoïste caché, qui chercherait à échapper par son geste à lui-même » ; après tout qu’importe les mobiles de l’altruiste, si son acte est de nature à atténuer la souffrance et la cruauté ;
Par ailleurs les progrès de la communication jouent un rôle inestimable dans la propagation du patrimoine intellectuel et culturel de l’humanité en révélant des génies méconnus ; la compétence lumineuse de ces esprits hors normes, géniaux dits surhommes n’ont besoin d’aucune protection ; leur simple discours suffit à mettre en pleine lumière leur génie, même si dans certains cas, lorsque les idées sont trop révolutionnaires, quelques générations sont nécessaires à la prise de conscience (Galilée ) ;
La volonté de puissance pose le problème de la relation à autrui ; Nietzsche défend la volonté de puissance comme le primum movens ; la volonté de puissance requiert autrui , en ce qu’il représente une force contraire que pour la dominer ; la puissance ne s’exprime que par rapport à une résistance, non pour l’annihiler mais pour se placer dans une certaine hiérarchie, dans une forme de podium ;
mais la dimension affective n’apparaît pas beaucoup dans ces théories ; cette volonté de puissance , n’est-elle pas l’envie de plaire, de séduire l’être aimé et sublimé , incarné pour cet orphelin de père, par Richard et Cosima Wagner comme substitut parental ; par extension tout être est un surhomme au regard de celui qui l’admire ; par ailleurs, les forces les plus dures à vaincre sont les forces intérieures, pleinement conscientes de la relativité de cette puissance au regard au moins de la finitude humaine.

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